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Qi gong : un exercice méconnu
Pratiquement tous les entraînements du Jiseido de Grenoble débutent par un exercice dont l'importance est ... méconnue. Il est simple, mais révèle et travaille les éléments clés de notre organisation corporelle, et par là de notre capacité de mouvement. Essayons d'en savoir plus!
Commençons par le décrire:
- debout, pieds écartés de la largeur des épaules, grands orteils orientés vers l'avant, genoux relâchés, colonne vertébrale en extension verticale haut et bas, poids du corps centré (bref la posture de ritzu zen)
- bras relâchés le long du corps, omoplates en légère extension latérale de sorte que les paumes de main font face à l'arrière
- on pousse d'un côté vers l'avant et on tire de l'autre vers l'arrière à partir de l'appui des pieds, en alternance, ce qui induit une rotation alternée autour de la colonne vertébrale
- le bassin demeurant relativement de face, de sorte que la rotation à tous les niveaux du buste n'est pas oubliée...
Le retour des chaines musculaires
Pour expliciter le principe sous-jacent à cet exercice et ce à quoi il permet d'accéder, il nous faut revenir à l'organisation du corps, et notamment à l'association des différents muscles en chaines musculaires. Ce sont ces associations qui autorisent la coordination de nos différentes articulations, dans un mouvement d'ensemble. En effet, sauf pour des mouvements simples (engageant au plus une seule articulation, sans que la gravité soit en jeu pour le reste du corps), aucun de nos mouvements n'engagent pas moins que tous les muscles impliqués dans notre équilibre. Sinon, le simple fait de lever le bras nous déséquilibre. Or ce n'est pas le cas: les tensions de nos muscles, voire les positions respectives des articulations, s'ajustent donc pour préserver l'équilibre (comment est une autre question!) et réaliser le mouvement.
Se tenir debout
Regardons de plus près deux situations. Une de nos postures de base est la station debout. Comment est-elle rendue possible? Au plus simple, il s'agit d'exercer des forces à l'aide de nos muscles pour ériger notre structure osseuse, et ce de façon permanente: la gravité ne s'arrête jamais! Et une mise en mouvement qui découle de la station debout est la marche, une alternance de déséquilibres avant, compensés par l'avancée des jambes.
Questions: quels sont donc ces muscles impliqués depuis le dessous de nos pieds jusqu'au bout des doigts? Et comment s'organisent-ils en chaines musculaires? Autant il est facile de décrire les muscles un par un avec leurs insertions, autant leur fonction dans les différentes articulations et chaines musculaires n'est pas si simple. En effet, de nombreux muscles traversent plusieurs articulations, exercent un rôle différent et s'associent diversement selon le mouvement engagé.
Reprenons la posture debout: nous sommes érigés sur nos pieds ... à partir de nos mains! L'histoire des espèces nous indique en effet que nos ancêtres se sont redressés depuis une position d'appui quatrupédique (néologisme?). De fait, une première chaine musculaire est simple à mettre en évidence: il s'agit d'une chaine postérieure (elle se situe à l'arrière de notre corps, dans notre dos) qui autorise le redressement. Je ne vais pas détailler l'ensemble des muscles impliqués, mais les jumeaux (les deux muscles de nos mollets), les ischio-jambiers (à l'arrière des cuisses) en sont deux exemples. Pour la ressentir, il suffit de se pencher en avant en station debout. Attention, de se pencher non en se pliant, mais en conservant l'extension de tout le corps vers le haut, sinon on révèle seulement un étage de toute la chaine musculaire concernée.
A partir de là, une deuxième chaine musculaire est mise en évidence en se penchant en arrière (attention à nouveau à se pencher en conservant l'extension!), il s'agit d'une chaine dite antérieure, à l'avant du corps donc. Chacune des chaines postérieures et antérieures se décomposent en chaine droite et gauche. En effet, il est possible de rapprocher bras et jambes d'un même côté. Bon, mais alors, que se passe-t-il lorsque l'on rapproche bras et jambe de côtés opposés? Et bien on met en jeu une chaine musculaire croisée, soit postérieure, soit antérieure, soit d'un côté, soit de l'autre.
Faisons les comptes: chaines musculaires droites antérieures et postérieures (gauche et droite à chaque fois), et chaines musculaires croisées antérieures et postérieures (deux devant et deux derrière), cela fait 8 chaines musculaires. Et cela suffit pour décrire postures et mouvement du corps! Pour en savoir plus à ce sujet, je conseille d'étudier la méthode Busquet par exemple, dont j'utilise ici la terminologie.
… et marcher
Continuons notre parcours en analysant la ... marche à partir des chaines musculaires depuis la station debout. Nous sommes debout, les pieds parallèles. Puisque nous lançons le centre de gravité vers l'avant, ce déséquilibre finit par entrainer la chute (la chaine postérieure droite ne compense ce déséquilibre que jusqu'à un certain point). Il nous faut donc avancer une jambe à partir de l'appui de l'autre jambe. C'est possible si l'on met en oeuvre la chaine croisée antérieure qui relie la jambe d'appui à l'autre côté. Cela entraine une rotation vers l'avant d'une moitié du corps et ... un pas.
Avec une conséquence, c'est que le pas se termine en rotation vers l'intérieur, et si l'on enchaine on obtient une démarche disons bizarre! En fait, l'enchainement (le fait que le centre de gravité continue à se projeter vers l'avant) se déclenche avant que le pied (avant) se pose sur le sol, de sorte que le pas se termine avec une rotation vers l'extérieur, sauf si la coordination de cet enchainement lui permette de juste pointer vers l'avant. La marche est donc un processus de déséquilibre dynamique (du aux chaines droites), obtenue par la coordination des chaines croisées, fonctionnant en alternance.
En poussant un peu plus loin l'analyse, on constate que les chaines croisées actives coexistent un temps pour permettre à la jambe d'avancer le plus directement possible, juste avant que le pied avant ne se pose. Plus, la chaine croisée qui permet au pied (arrière à cette étape) de se déplacer est active avant même que le pied d'appui (avant donc) ne soit posé! Notons que l'action de ces chaines est d'autant plus importante que le transfert de poids est moindre d'un pied sur l'autre (marche du tai chi par exemple).
Comment tient-on en équilibre sur un pied ?
Une posture stable n'est obtenue que par un ajustement permanent des différentes chaines musculaires. En effet, notre équilibre s'adapte continuellement à la ventilation et à la circulation sanguine. A moins que la gravité ne joue un rôle moindre comme en position couchée.
En particulier, l’équilibre sur un pied est intéressant : c’est une position intermédiaire nécessaire à tout déplacement. En effet, on se trouve nécessairement en équilibre sur un seul pied au cours d’un déplacement alterné des appuis. Et de fait, la capacité à effectuer des efforts dans cette position est nécessaire, par exemple en combat. La marche révèle l’agencement correct des articulations et le jeu des chaines musculaires dans l’équilibre sur un pied : il suffit d’étudier la posture transitoire entre chaque pas !
Notons que le genou est légèrement fléchi vers l’avant et pointe dans la direction avant du pied. Normal, car l’on tire le bassin de l’arrière, avant de le pousser vers l’avant. Ce n’est pas la position la plus économique musculairement. En effet, la jambe tendue permet un blocage articulaire du genou (les ligaments croisés se tendent) et le maintien d’une position stable avec le minimum d’effort musculaire. Parfait pour l’attente prolongée, type héron, mais peu utile quand on doit réagir au quart de seconde dans toutes les directions !
Sur un pied, on met facilement en évidence le jeu des différentes chaines musculaires. Les chaines droites participent ainsi à l'équilibre de la posture debout, et en action simultanée dans le buste à la facilitation de la ventilation selon la direction verticale (le jeu des poumons est-il égal sur un pied ?). Les chaines croisées interviennent plus sur la mise en mouvement par des rotations (actions simultanées), ou des translations (actions décalées) selon leurs associations.